Fiancailles dans un jardin chinois

— Cessez donc de sourire à tout propos ! chuchota le marquis à Corisande. Dans notre société, montrer sa joie est très mal vu. Affichez plutôt une moue boudeuse, vous serez davantage dans le ton !

— Bouder, pendant un aussi bon dîner ? protesta-t-elle. Au diable les convenances. Ce soir, j’ai l’intention de m’amuser !

Et, gourmande, elle dégusta un croquembouche à la framboise sous le regard charmé du marquis. Dieu que Corisande était exquise dans sa robe en mousseline ennuagée de tulle vaporeux. Toute rose, avec une gorge de colombe – un vrai bonbon fondant ! Et sa gaieté était si communicative… Quand son rire frais tintait, tel un grelot d’argent, la pièce entière en semblait égayée. Quelle différence, pensa Marc, avec les mijaurées qu’il fréquentait d’ordinaire. Oui, assurément, Corisande ferait une épouse parfaite – à un détail près : la jeune fille était pauvre et lui-même ne toucherait son héritage qu’à condition de se marier selon son rang. C’était là le diktat imposé par son père, l’intraitable duc de Weston. Un despote qui, selon toute vraisemblance, demeurerait insensible à la grâce primesautière de Corisande…