Les ailes de l'oubli

N°130

ITALIE ET RUSSIE, 1854
Un impalpable brouillard, un nuage peut-être, confinait Théodore dans un cocon protecteur qui le paralysait, le privait de toute sensation. Son esprit s'enquérait en vain des souvenirs enfuis. Aucune douleur ne taraudait plus son cerveau vide, ses membres inertes, son coeur anesthésié.
- Entendez vous ma voix ? L'entendez vous Monsieur ?
Ce timbre mélodieux qui venait de si loin... Comment y répondre ? Brutalement arraché à sa prostration, Théodore s'agita dans son lit d'hôpital et ouvrit les yeux, pour voir penché sur lui le visage d'un ange, tout auréolé de blancheur. La présence de cet ange le déconcerta. Le paradis, auquel il ne croyait guère, existait-il donc ? Pour sa part, il connaissait surtout l'enfer, pour l'avoir vécu sur terre le jour où, ivres de victoire et de carnage, les hordes russes s'étaient répandues sur les plaines hongroises, brisant à jamais sa vie...