Amour et déraison

Angleterre 1809

- Harriet, dit Lady Foster d'un ton plaintif. Puis-je vous parler ?
- Oui, madame, dit Harriet dans un louable effort d'amabilité.
Elle savait déjà à quoi s'attendre. Frisottée jusqu'au ridicule, doucereuse jusqu'à l'écurement, sa belle-mère avait l'art de proférer les pires perfidies le plus suavement du monde.
- Croyez vous qu'il soit judicieux d'éconduire ainsi tous vos soupirants ? déplora lady Foster. Je vous aie vu, à l'instant, congédier lord Granville. Le pauvre est complètement désespéré !
Le regard sceptique d'Harriet s'envola à l'autre bout du salon où lord Granville sirotait du champagne. Pour une homme désespéré, nota Harriet avec ironie, il avait repris le dessus avc une rapidité stupéfiante ! L'allure nonchalante, la plaston impécable, il courtisait assidûment une créature béate.
- Je ne comprends pas votre animosité envers lui, insista lady Foster. Vous l'aimiez bien autrefois, pourtant !
C'était la vérité, songea Harriet, oppressée soudain. Petite fille, elle rêvait de grandir pour que le jeune homme daignât enfin la regarder. Mais si elle se souvenait encore du jour où lord Granville avait volé son cur d'enfant,elle ne pouvait pas davantage oublier celui où cette irrationnelle attirance s'était muée en une aversion non moins déraisonnable. ?